Kazuki ~ VOICELESS SCREAMING

Kazuki est, dans sa vie de tous les jours, un garçon très posé et très timide. Il peut être perçu comme froid par ses pairs, car il évite généralement de se mêler aux foules et de nouer des contacts (vous comprendrez mieux pourquoi en lisant son histoire). Cependant, quand on s’accroche un peu et qu’on cherche à vraiment le connaître, il se révèle un garçon très drôle, profondément gentil, loyal et tendre, qui a simplement besoin qu’on l’aime un peu sans rien lui demander en retour. Il est passionné par l’Astronomie et la guitare (il en possède une acoustique) et s’enferme donc de longues heures seul.
Il aime : le toucher des cordes sous ses doigts, la lumière (particulièrement les lumières citadines), la musique, l’Institut.
Il n’aime pas : le contact physique avec autrui, l’obscurité (il est phobique), quand on le regarde, quand on se moque de lui, se réveiller dans la nuit.

~ VOICELESS SCREAMING ~

La nuit est glaciale. Glaciale et sombre. Ou l’art d’enfoncer des portes ouvertes.
Maman est chanteuse. Chanteuse lyrique. Sa voix est plus belle que l’aurore et le crépuscule, et ses cheveux noirs lui tombent dans le dos comme un rideau de soie. Elle écrit, elle songe, elle chante, elle répète, elle voit les compositeurs, visite les salles, elle n’a pas le temps. Pas le temps pour un enfant.
Maman a quand même mis au monde son enfant, parce qu’elle en aimait le père. Un peu pour le garder. Mais il est mort juste après, un sombre et idiot accident de chasse. Maman s’en trouve dévastée, elle n’a plus le temps pour rien, surtout pas pour son bébé.
Pour oublier, Maman voit des hommes. D’autres hommes. Des hommes grands, petits, gros, maigres, des tas et des tas d’hommes. Parfois, elle voit des hommes longtemps, plusieurs mois, plusieurs années. Tous font des efforts pour que Maman les aime un peu, mais Maman, elle aime Papa, alors bon.
Maman, elle boit beaucoup. Et elle fume aussi. Elle se drogue. La poudre blanche entre dans ses narines, une longue inspiration puis plusieurs petits coups en l’air, que tout rentre bien, et puis passer le doigt sur la tablette en marbre et le frotter sur ses gencives. Maman fait ça souvent.
Les hommes, eux, trouvent ça injuste que le bébé soit un peu aimé. Il ne fait rien pour être aimé, l’enfant ! Il braille, même à six ans, même à sept ans, pour attirer l’attention de Maman. Et puis elle lui donne une guitare, alors le bébé joue. Il a un professeur, un gentil professeur. Le bébé est un peu heureux.
Les hommes ne sont pas contents. Comment ça, il est heureux ce bébé ? Il doit payer. Alors les hommes expliquent au bébé : pour être aimé de Maman, il doit être bien sage. Ecarte bien grand tes cuisses, bébé, si tu es bien sage avec nous ta maman t’aimera. Le bébé obéit, il ne sait pas dire non, mais ce n’est pas faute de le penser. Le penser, c’est un viol ou pas ?
Le bébé grandit, se plonge dans sa guitare la tête la première. A l’école, il est pointé du doigt et on rigole. On dit qu’il est bizarre. Parce qu’il a eu le malheur, un jour, de raconter à un « ami » son histoire avec les hommes. Le bébé pleure en silence, entre deux séances de torture que Maman ne voit pas. Trop occupée.
Le bébé apprend. Écarter les cuisses, là le sexe durcit, soupirer doucement et balancer les hanches. Le bébé apprend l’érection aussi, réflexe corporel dans son cas. Protection de son esprit ?
Puis le bébé trouve sa technique pour ne pas penser, pendant : la fenêtre ronde dans le toit de sa chambre. Le bébé regarde les étoiles.
Plus le temps passe, plus le bébé commence à se sentir bizarre. Les « crises » commencent. Là, Maman remarque. Forcément, le bébé se réveille en sueur et en hurlant, avec une trique monstre, tremblant de tous ses membres. A quatorze ans, ce n’est pas normal. Le verdict du psychiatre est sans appel : SSPT. Syndrome de Stress Post Traumatique. Bébé est traumatisé par les hommes. Maman pleure un peu.
Les années passent, les agressions continuent, sans que Maman remarque. Une nuit, Maman perd un rôle important parce qu’elle s’endort en répétition. Hop, un peu de poudre. Un peu trop ? Dans un magnifique mouvement du rideau de ses cheveux d’ébène, Maman s’écroule. Maman meurt.
Bébé arrive à l’orphelinat, jusqu’à sa majorité. Il espère que les choses se passeront bien. Il espère que personne ne se moquera de lui, et qu’il pourra jouer de la guitare et regarder les étoiles et la lumière. Il espère que les crises vont s’estomper, et cesser.
L’espoir fait vivre, paraît-il. Mais est-on encore en vie quand on n’a plus de voix pour hurler ?
Oui, on hurle en silence.