Aki~[Dans le jardin de mes enfances, je crois qu'il est mort le pinson.]

Aki est quelqu'un de spécial, plutôt difficile à saisir. Il paraît gentil au premier abord, mais ses pensées profondes sont parfois bien mauvaises. Il juge très facilement les personnes qu'il rencontre, et n'accorde pas souvent une deuxième chance à ceux qu'il aurait mal jugé. Il se fit uniquement à son instinct, et est quelqu'un de très impulsif. Il sait parfaitement jouer aux hypocrites quand cela l'arrange, mais a aussi une petite âme de rebelle... Les règles, il les respecte quand cela l'arrange ; c'est une manière comme une autre pour lui d'essayer de se faire remarquer, de se prouver qu'il existe. Des heures dans le bureau du directeur ? Il en a passé... Beaucoup. Pour différent motif. Il provoque par pur jeu, mais sait tout de même où sont ses limites. Il ne fera jamais rien qui peut compromettre l'intégrité de l'orphelinat, et respecte chacun de ses employés et résidents.

Sur le sol doucement s'écoulait les larmes d'une inconnue. Trop vite s'en vas ce que l'on a peu aimé, ce que l'on aimait finalement bien trop, ceux à qui on aurait plus dût l'avouer. Ses mains crispées sur ses draps, le corps à l'agonie ; il n'existait plus qu'un torrent de perles salées pour exprimer cet amour abandonné. Qui as t-il de pire que de perdre ce qu'on avait tant désiré obtenir ? Comment supporter l'idée que la vie même puisse nous échapper ? Qu'elle glisse entre les doigts aussi rapidement que de l'eau ? Comment une mère aurait-elle pu décemment supporter l'enlèvement de son enfant ? Elle n'avait pu profiter de lui que quelques années à peine, ne lui procurant pas tout l'amour qu'il aurait été nécessaire de lui fournir. Le voilà loin ; la voilà punit.

« -Laissons faire la nuit jusqu'au lever du jour »

Les paroles échangées à longueur de journée que Aki subissait n'avaient rien d'intéressantes ; elles représentaient plus un brouhaha assourdissant qu'il aurait souhaité oublier, dissimuler. Souvent, ses mains s'abattaient sur ses oreilles pour fuir ce son incessant. Il n'avait que cinq ans, et il venait de changer d'univers. Il ne comprenait absolument pas ce qui l'entourait et ces conversations dont il était le témoin, et dont il ne saisissait pas le sens, l'agaçait outre mesure. La pièce dans laquelle il passait ses journées n'avait rien d'accueillante ; elle sentait le moisit, le renfermé, et la sueur. Elle était à l'image des personnes qui l'avaient emmené ici. Trois vieux hommes bedonnants à l'haleine putride et à la voix grasse. Aki aurait aimé retrouver les douces intonations de celle de sa mère, mais elle n'était plus là, ni pour le féliciter, ni pour le gronder. Il n'y avait que des insultes jetées parfois à sa figure, et rien de plus. Aki ne savait pas le moins du monde là où il venait de tomber...

Aux informations, les nouvelles se faisaient difficiles. Chaque jour, les corps de bon nombres d'enfants étaient retrouvés au fond d'une rivière. Des enfants qui avaient été enlevé. Des enfants que l'on avait jugé violés pour certain, battus pour d'autres. La mère de Aki, sous le poids trop lourd de la culpabilité, mit fin à ses jours. Son enfant, peut-être, faisait partie de ces défunts.

« -Le jour se lève et je ne vois que le silence aux horizons »

Aki ne savait pas combien de temps était-il resté dans cette pièce lorsque la panique fut semé dans le repaire. Des enfants couraient dans tout les sens, des hommes aussi... Des hommes qu'il avait déjà vu ici, et d'autre qu'il ne connaissait pas. Beaucoup portait un uniforme qu'il n'avait jamais encore vu... Plus tard, il saurait que c'était ceux des policiers. L'enfant ne savait ce qui était en train de se dérouler, et tout cela le rendait plutôt indifférent. Il avait juste peur... Une peur qui l'empêchait de bouger. Mais la voix doucereuse et rassurante de l'une de ces personnes dont il ne savait l'identité l'aida à reprendre le contrôle de son corps. Il pu alors sortir de cet endroit sombre et lugubre, revoir les couleurs du jour, les nuances de la lumière. C'était une sorte de renaissance ; son corps sale et tremblant se souviendrait à jamais de ce sentiment.

Le jeune homme ne comprit que des années plus tard les raisons pour lesquelles il n'avait jamais revu sa mère. Il fut placé dans un orphelinat... Un établissement réputé, plutôt familiale, où bon nombre d'enfants dans le même cas que lui étaient domiciliés. Quels sentiments ressentait-il envers cela ? Beaucoup... Un mélange de tout et de rien. Des émotions en déferlante.